Analyse Juridique | Immatériel & Numérique
Ouverture des noms de domaines dits « sensibles », les questions posées par le communiqué de l’AFNIC
7 juillet 2011

Dans un communiqué publié sur son site Internet depuis le 1er juillet dernier, l’AFNIC (organisme en charge de la gestion des noms de domaine en .fr) annonce l’ouverture à l’enregistrement de termes dits « sensibles » dont la réservation était auparavant interdite. Une liste, comprenant des termes tels que « nazi », « prostitution », profanation », figure en annexe de ce communiqué dans lequel l’AFNIC précise que, pour procéder à l’enregistrement de l’un de ces noms de domaine, le demandeur doit « justifier d’un intérêt légitime et agir de bonne foi ».

L’ancienne liste des termes « interdits » tenue par l’AFNIC

Les anciennes dispositions légales donnaient pouvoir au Ministre chargé des communications électroniques de désigner les organismes en charge de la gestion des noms de domaine en .fr dont le cadre et les limites de la mission étaient ensuite fixés par voie réglementaire et non par voie législative.

Dans ce cadre, un arrêté du 19 février 2010, qui avait désigné l’AFNIC pour exercer « la fonction d’office d’enregistrement » des noms de domaine en .fr, lui avait ensuite donné pour mission de tenir « une liste à jour des termes dont l’enregistrement est interdit ou réservé » en raison de « leur caractère illicite ou contraire à l’ordre public ».

C’est de cette liste de termes dits « interdits » ou « réservés » dont il est aujourd’hui question, à l’heure où ces anciennes dispositions légales ne sont plus en vigueur.

Les termes interdits selon la nouvelle loi

La nouvelle loi, en vigueur depuis le 30 juin dernier, encadre de manière beaucoup plus précise les pouvoirs et les modalités d’exercice de l’AFNIC, en précisant notamment que l’enregistrement peut être refusé par cette dernière lorsque le nom de domaine est :
– soit « susceptible de porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs » ;
– soit « susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité » ou encore s’il est
« identique ou apparenté à celui de la République Française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales » sauf si, dans ces deux derniers cas, le demandeur « justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ».

A la lecture de ce texte, il est permis de s’interroger sur le sens et le fondement du communiqué de l’AFNIC du 1er juillet.

En effet, à aucun moment, le nouveau texte légal ne mentionne la nécessité de disposer d’un « intérêt légitime » pour enregistrer un nom de domaine, excepté si une atteinte à un droit de propriété intellectuelle ou le nom d’une collectivité locale est démontré, mais ces hypothèses ne concernent pas les termes « interdits » dont l’ouverture est annoncée dans le communiqué de l’AFNIC et qui correspondent aux termes susceptibles de porter atteinte à « l’ordre public ou aux bonnes mœurs ».

Il faut davantage comprendre de ce communiqué que l’enregistrement de l’un de ces termes « interdits » figurant sur l’ancienne liste de l’AFNIC donnera lieu à un examen minutieux de la part de cette dernière qui n’hésitera probablement pas à refuser l’enregistrement des termes constituant manifestement une atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Cela devrait être le cas, par exemple, de termes tels que « hitler.fr », « maison-close.fr »… etc. Les décisions de l’AFNIC étant susceptibles de recours, l’on imaginera aisément les possibles contentieux qui s’annoncent.

Rédigé par

Matthieu Bourgeois ASSOCIÉ

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