Dans trois arrêts récents, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise les conséquences attachées à l’exclusion abusive d’un associé de SAS.
Dans les trois affaires, l’associé d’une SAS avait été exclu de la société par l’assemblée des associés sur la base d’une clause des statuts qui prévoyait que l’associé dont l’exclusion était proposée ne pouvait prendre part au vote.
1. Exclusion abusive et réintégration de l’associé exclu
Dans les deux premières affaires, l’associé exclu avait invoqué l’irrégularité de la clause statutaire lui interdisant de prendre part au vote pour demander en justice l’annulation de la délibération de l’assemblée l’ayant exclu et sa réintégration dans la société.
Dans deux arrêts en date du 9 juillet 2013 (Cass. com., 9 juillet 2013, n°12-21.238 et 11-27.235), la chambre commerciale de la Cour de cassation a fait droit à la demande de l’associé exclu en se fondant sur les dispositions des articles 1844, alinéas 1 et 4, et 1844-10, alinéa 2, du code civil.
Selon le premier texte, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et, par conséquent, de voter et les statuts ne peuvent déroger à cette disposition que dans les cas prévus par la loi. Selon le second texte, toute clause statutaire contraire à ce principe est réputée non écrite.
Au passage, la cour de cassation apporte une précision sur la portée de la sanction prévue par l’article 1844-10, alinéa 2, du code civil : la clause statutaire contraire à une disposition impérative du code civil sur le contrat de société est réputée non écrite dans son ensemble même si seule une partie de ladite clause est illicite.
2. Exclusion abusive et nullité des assemblées postérieures à l’exclusion
Dans la troisième affaire, l’associé exclu, après avoir obtenu l’annulation de la délibération de l’assemblée des associés ayant voté son exclusion, avait initié une nouvelle procédure visant à obtenir l’annulation des assemblées générales et décisions d’associés postérieures à celle ayant prononcé son exclusion et à la cession de ses actions, intervenue au profit d’un tiers alors qu’il était exclu de la société.
La Cour d’appel de Douai avait fait droit à cette demande et nommé un administrateur ad hoc ayant notamment pour mission de convoquer plusieurs assemblées générales aux fins de régularisation des assemblées générales et décisions collectives intervenues entre l’exclusion de l’associé et sa réintégration.
Les autres associés de la société et le cessionnaire des actions avaient soulevé une fin de non-recevoir de cette nouvelle demande en vertu de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt ayant abouti à l’annulation de la décision d’exclusion de l’associé et à sa réintégration dans ses droits d’associé.
Dans un arrêt en date du 26 septembre 2013 (Cass. com., 26 septembre 2013, n°12-23.129), la Cour de cassation a rejeté cet argument. En effet, la nouvelle demande de l’associé exclu, fondée sur un droit né de la décision d’annulation de l’exclusion rendue à l’issue de l’instance antérieure, était recevable.
En conclusion, les principes rappelés dans les décisions rapportées ci-dessus ne sont pas nouveaux ; la chambre commerciale de la Cour de cassation s’était déjà prononcée en ce sens (Cass. com., 23 octobre 2007, n°06-16.537 ). Ils constituent néanmoins un rappel utile que la flexibilité statutaire des SAS reste encadrée sur certains points.
Par ailleurs, les situations sanctionnées par la cour de cassation pouvaient être évitées par des aménagements de la procédure d’exclusion (décision confiée à un organe social autre que la collectivité des associés, voire à un tiers, ou, si la décision est confiée à la collectivité des associés, aménagement des modalités du vote, par exemple en attribuant une voix à chaque associé quelle que soit sa participation dans le capital ou en plafonnant le nombre de voix par associé).
D’autres précautions permettant de préserver l’efficacité d’une mesure d’exclusion doivent aussi être rappelées telles que, notamment, la prévision de causes objectives d’exclusion (par exemple, le fait pour un associé de passer sous le contrôle d’un concurrent) et l’organisation du droit pour l’associé visé par l’exclusion de se défendre devant l’organe ou la ou les personnes compétents.