Par sa décision n° 2011-224 du 24 février 2012, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, avait considéré que la validation législative des permis de construire contestés pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d’occupation des sols, telle qu’assurée par l’article 10 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique était conforme à la Constitution.
Sans remettre en cause cette analyse, la cour administrative d’appel de Paris sanctionne la validation législative du permis de construire LVMH pour inconventionnalité et, en tire les conséquences, en écartant la disposition illégale.
Le validation législative se trouve ainsi privée d’effet.
Pour mémoire, rappelons qu’une validation législative se définit comme « toute intervention du législateur qui, par un texte modifiant rétroactivement l’état du droit, résultant notamment de décisions de justice, permet de réputer réguliers des actes juridiques, nés ou à venir, dont la légalité risque d’être mise en cause devant une juridiction de l’ordre administratif ou judiciaire » (Répertoire contentieux Dalloz, « Validation législative » par Jean Massot, avril 2007, n° 1).
L’article 10 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique avait procédé à la validation législative des « permis de construire accordés à Paris en tant que leur légalité a été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d’occupation des sols remis en vigueur à la suite de l’annulation par le Conseil d’Etat des articles N 6 et N 7 du plan local d’urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de Paris ».
La cour administrative d’appel de Paris a jugé que cette disposition n’était pas conforme à l’article 6, paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Considérant que les dispositions précitées de l’article 10 de la loi du 26 mai 2011, dont l’adoption est intervenue au cours de l’instance introduite devant la Cour et ne pouvait être regardée comme prévisible, ont une portée rétroactive qui a pour effet de faire obstacle à ce que la légalité du permis de construire attaquée puisse être utilement contestée, notamment pour le motif retenu en première instance per le Tribunal administratif de Paris ; que ces dispositions portent atteinte au droit de la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne à un procès équitable ».
Comme indiqué dans notre propos introductif, le Conseil constitutionnel avait jugé conforme à la constitution l’article 10 de la loi n° 2011-590 au motif que la création d’un musée dans l’enceinte du jardin d’acclimatation répondait à « un but d’intérêt général suffisant » en ce qu’il était « destiné à enrichir le patrimoine culturel national, à renforcer l’attractivité touristique de la ville de Paris et à mettre en valeur le Jardin d’acclimatation » et que « la portée de la validation est strictement définie ».
Ce faisant, le Conseil constitutionnel reprenait sa jurisprudence classique, refusant à nouveau de s’aligner, comme l’a fait le Conseil d’Etat, sur les critères définis par la cour européenne des droits de l’homme pour l’appréciation de la légalité des validations législatives.
En effet, la cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt du 28 octobre 1999, Zielinski (n° 24846/94), a jugé que les validations législatives étaient par principe contraires à l’article 6, paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l’homme et qu’elles ne pouvaient être justifiées que « pour d’impérieux motifs d’intérêt général ».
Le Conseil d’Etat a repris comme critère de compatibilité des lois de validation législative avec l’article 6, paragraphe 1 de laconvention européenne des droits de l’homme, l’existence de « motifs impérieux d’intérêt général » .
En revanche, le Conseil constitutionnel se contente pour sa part d’ « un intérêt général suffisant », critère beaucoup moins exigeant, pour apprécier la constitutionnalité des lois de validation. Certes, ce critère est plus strict que celui adopté par le Conseil constitutionnel dans ses premières décisions et qui était celui du simple intérêt général (DC n° 95-369 du 28 décembre 1995).
La cour administrative d’appel de Paris, en revanche, s’est pour sa part conformée à la jurisprudence administrative ayant désormais cours et selon laquelle une validation législative doit reposer « sur des motifs d’intérêt général, tenant en particulier au fait que la création du musée d’art contemporain envisagé présente un intérêt culturel, urbanistique, architectural et économique ( ..), lesdits motifs ne revêtent pas, en l’espèce, un caractère impérieux, qui serait seul susceptible de justifier l’atteinte ainsi porté au droit à un procès-équitable (..) ».
Ainsi, cet arrêt de la cour administrative d’appel de Paris illustre parfaitement le fait que si le juge administratif tient classiquement compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’en demeure pas moins qu’il doit également être en phase avec la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme.
Rédigé par
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