Analyse Juridique | Public des Affaires
« Pas de contrôle juridictionnel sur la décision refusant de suspendre l’ensemble des autorisations d’exportation de matériel de guerre vers un Etat étranger » , un article de Marc de Monsembernard
17 février 2023

Par un arrêt du 27 janvier 2023 ACAT, ASER (req. n° 436098, Leb. T.), le Conseil d’Etat donne une nouvelle illustration de la notion d’acte de gouvernement, en jugeant que la décision du Premier ministre refusant de suspendre les autorisations préalables d’exportation de matériels de guerres à destination d’un Etat étranger, en l’espèce, l’Arabie Saoudite, ne relève pas de la compétence du juge administratif en ce qu’il n’est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France.

La décision d’exporter vers des Etats étrangers des équipements militaires est, en effet, indissociable de la politique étrangère de la France et n’en est pas détachable. L’existence d’engagements internationaux, à savoir les stipulations des articles 6 et 7 du traité sur commerce des armes et de l’article 2 de la charte des Nations-Unies, les dispositions des articles 1 et 2 de la position commune n° 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008, ne fait pas obstacle, au contraire, à cette solution. Elles sont, en effet, dénuées d’effet direct. Elles ne lient donc que les Etats sans créer de droit au profit de leurs ressortissants. Elles ne permettent, par conséquent, pas de détacher la décision contestée de la conduite des relations internationales. Les dispositions de l’article L. 2335-4 du code de la défense n’ont pas plus d’incidence ; elles ne s’appliquent qu’aux décisions individuelles, et non à une décision de portée générale refusant la suspension de toute exportation d’équipement militaire vers un Etat étranger.

La portée de la solution dégagée par le Conseil d’Etat n’est sans doute pas de principe. La rapporteure publique, dans ses conclusions, laisse entrevoir des hypothèses dans lesquelles une décision relative à l’autorisation d’exportation d’équipements militaires pourrait être soumise à un contrôle juridictionnel. Tel pourrait être le cas d’une décision qui constituerait la simple mesure d’exécution d’un accord international pour l’adoption de laquelle le gouvernement disposerait du choix des procédés, qui pourrait être contrôlée notamment au regard de l’accord, si ce dernier est doté d’un effet direct. Tel pourrait être également le cas d’une décision de suspension de l’autorisation d’exportation adoptée sur le fondement de l’article L. 2335-4 du code de la défense : sans que cela n’ait été jugé à ce jour, cette décision pourrait peut-être être contestée par l’industriel concerné si elle était adoptée au regard du contexte national (par exemple, en raison d’une méconnaissance par l’industriel des conditions d’octroi de l’autorisation) et non du contexte international lié notamment aux relations de la France avec l’Etat importateur.

 

 

Rédigé par

Marc de Monsembernard ASSOCIÉ

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