Analyse Juridique | Immatériel & Numérique
Si vous diffamez, injuriez tranquillement !
15 janvier 2013

La Cour de Cassation, par un arrêt de sa chambre criminelle du 2 octobre 2012, confirmait un principe jurisprudentiel constant :
« Lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d’une imputation diffamatoire, le délit d’injure est absorbé par celui de la diffamation ».

Cass.crim., 2 octobre 2012,12-84.932

Cette espèce est intéressante puisqu’il s’agit d’une mise en ligne d’un texte intitulé « Plainte disciplinaire contre l’avocat véreux Jean-Louis Y … » et le texte en cause qualifiait ledit avocat d’avocat véreux, raciste et belliqueux. Pour faire bonne mesure, il était également imputé la participation à une « tentative d’escroquerie au jugement », la tenue de propos racistes et le recours à des menaces physiques.

Cette « délicate » affaire a pour cadre un procès civil où ces deux avocats étaient contradicteurs ; c’est donc dans une ambiance d’une confraternité louable que l’avocat victime avait cité son confrère pour le délit d’injure publique envers un particulier.

En première instance comme en appel, les juges ont considéré le délit établi et octroyé à la victime des dommages et intérêts, condamnant le diffamateur à une peine d’amende avec sursis.

La Cour de Cassation a cassé cette décision, estimant que « …. les expressions outrageantes et injurieuses étant, en l’espèce, indivisibles des imputations diffamatoires et, se confondant avec elles, le délit d’injure se trouvait absorbé par celui de diffamation » ; et la Haute Juridiction de considérer que « …. la qualification visant à la poursuite était inappropriée, la Cour d’Appel (n’ayant) pas donné de base légale à sa décision ».

On ne sait pas si le Conseil de l’Ordre a eu à connaître de cette affaire. Par contre, sur le seul point du juridique, il faut encore une fois en tirer la conséquence que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est extrêmement formaliste et l’avocat doit être plus que vigilant en matière de citation directe.

On sait qu’en la matière, l’acte doit satisfaire à trois conditions de validité (tout comme le réquisitoire introductif) :

– articuler des faits,
– qualifier des faits,
– viser le texte applicable
.

Et la moindre erreur est sanctionnée. Or, on le sait, la sanction est, dans ce cas, d’autant plus dure lorsqu’elle survient et l’action est la plupart du temps prescrite par le délai de trois mois qui court à compter de la date de diffusion des propos litigieux, délai qui n’a pas été interrompu alors, la prescription demeurant acquise depuis longtemps.

On aura compris que la Haute Juridiction n’a censuré la Cour d’Appel que parce que les expressions injurieuses étaient indivisibles des imputations diffamatoires, les injures étant, suivant la formule, « absorbées » par celles de la diffamation.

Si les expressions injurieuses avaient été indépendantes de la diffamation, le délit d’injure aurait pu être poursuivi en tant que tel et puni comme constituant un délit distinct.

On comprendra ainsi la difficulté de la qualification pénale des propos litigieux même pour (et entre) les avocats.

Notre métier est difficile et parfois risqué puisqu’il s’agit là d’engager sa responsabilité civile professionnelle.

On invitera donc nos confrères à ne pas mettre d’autres confrères dans cette situation difficile !

Rédigé par

François Klein Associé

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