Dans un arrêt du 26 septembre 2018, la Cour de cassation a approuvé la décision de la Cour d’appel de Paris caractérisant l’existence d’un lien substantiel avec la France concernant un litige en matière de contrefaçon de droits d’auteur sur un site internet édité par la société de droit suédois H&M.
En l’espèce, la société italienne Puci (la « Société italienne ») qui exerce ses activités dans le domaine de la création et de la distribution d’articles de prêt à porter et d’accessoires, a employé un directeur artistique de 2005 à 2008. Ce dernier a conçu, pour un groupe de sociétés H&M, établies en Suède et en France (le « Groupe ») une collection de vêtements et d’accessoires qui a été diffusée en avril 2009.
Faisant valoir que des annonces promotionnelles pour cette collection présentaient les articles comme émanant de la Société italienne et que certains reproduisaient ses modèles, ce dernier a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Paris, le Groupe ainsi que le créateur, en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale et parasitaire.
La Cour de cassation a confirmé le 26 septembre 2018, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris retenant l’application de la loi française.
Cet arrêt de la Cour de cassation est l’occasion de rappeler les règles relatives à la détermination de la loi applicable lorsque des actions de contrefaçon sont réalisées par internet (I) et les critères de détermination mis en œuvre par les juges du fond en pratique (II).
1. La confirmation d’une jurisprudence établie pour la détermination de la loi applicable à l’action en contrefaçon
Dans son arrêt, la Cour de cassation rejette le moyen du Groupe qui s’appuyait sur la théorie de l’émission pour retenir un lien substantiel plus étroit avec la Suède, et retient la théorie de la focalisation pour retenir la loi française comme loi applicable à l’action en contrefaçon.
En l’espèce, le Groupe se fondait sur l’article 5.2 de la Convention de Berne (1) prévoyant l’application de la législation du pays où la protection est demandée par l’auteur pour sauvegarder ses droits.
Or, la législation où la protection est demandée s’entend de celle du pays dans lequel se sont produits les agissements délictueux et non de celle du pays dans lequel le dommage est subi.
Au niveau européen, pour déterminer la loi du pays pour lequel l’atteinte au droit est commise, la Cour de justice de l’Union européenne utilise la théorie de la « focalisation », théorie qu’elle rejette pourtant en matière de compétence des tribunaux (2) .
La CJUE a ainsi pu juger, pour l’application de la directive 96/9 du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, que l’accessibilité du site contrefaisant dans un pays ne permet pas à elle seule de considérer qu’il faut rechercher quel était le public ciblé, en prenant en compte un certain nombre d’indices (3).
Dans cet arrêt, la CJUE avait également refusé d’utiliser le critère du lieu de situation du serveur web, et donc la théorie de l’émission, pour identifier le pays dans lequel l’atteinte avait été commise.
La décision de la Cour de cassation est donc conforme à la pratique de la CJUE dans sa sélection des critères applicables à la détermination du public ciblé.
2. Les critères de détermination du public ciblé
Dans son arrêt, la Cour de cassation confirme les critères retenus par la Cour d’appel pour déterminer la loi applicable en matière de contrefaçon de droits d’auteur.
La jurisprudence en la matière montre que la détermination du public ciblé par un site internet peut notamment s’effectuer suivant les critères suivants :
- La langue
- La monnaie utilisée
- Le lieu de la livraison
- L’extension du nom de domaine du site internet
- La destination des annonces
La détermination de la loi applicable en matière de contrefaçon sur internet lorsque le site est étranger dépend ainsi du pouvoir souverain des juges du fond dont la décision dépendra du faisceau d’indices dont ils disposent selon les cas d’espèce.
(1) Convention de Berne du 9 septembre 1886 sur la protection des œuvres littéraires et artistiques
(2) CJUE 3 oct. 2013, Pinckney, aff. C-170/12, D.20144.411
(3) CJUE, 18 oct. 2012, Football DataCo, aff. C-173/11
Rédigé par
Laurent Badiane ASSOCIÉ
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Lisa Bataille AVOCAT
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