Analyse Juridique | Public des Affaires
Même la domanialité publique routière relève du juge administratif
1 décembre 2011

L’actualité contentieuse (décision du Conseil d’Etat, 21 novembre 2011, Commune de Ploneour-Lanvern) offre une nouvelle illustration des subtiles nuances de la répartition des compétences juridictionnelles entre juge administratif et juge judiciaire en matière de domanialité publique et d’une certaine orientation vers la formation de ce bloc de compétence contentieuse.

Dans un précédent article (  » Le contrat entre un occupant du domaine public et sous sous-occupant finira t-il par relever du droit public ? « , La Semaine Juridique, 10 octobre 2011) nous commentions la décision du 11 juillet 2011 , par laquelle le Conseil d’Etat a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de déterminer l’ordre de juridiction compétent pour connaître du litige entre un occupant du domaine public et un sous-occupant de ce domaine avec lequel il est contractuellement lié.

Nous indiquions que ce renvoi était, à notre sens, destiné à ce que le Tribunal des conflits inverse la solution jurisprudentielle actuelle (ces contentieux nés d’une sous-occupation domaniale sont encore regardés comme relevant de la compétence du juge judiciaire) en se prononçant en faveur d’un bloc de compétence organisée autour du juge administratif.

 

Le juge administratif et le domaine public routier

 

Par une décision du 21 novembre 2011, Commune de Ploneour-Lanvern (req. 311941, à publier au recueil Lebon), le Conseil d’Etat juge que :

– s’il résulte des dispositions de l’article L. 116-1 du code de la voirie routière que la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire ;

– il appartient au juge administratif non seulement de se prononcer sur l’appartenance au domaine public de la dépendance irrégulièrement occupée;

– mais également de contrôler si les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public routier ont assuré une protection adéquate du domaine public, en veillant bien par exemple à l’utilisation normale de la voirie routière.

En l’espèce, un recours visait l’annulation de la décision d’un maire ayant refusé d’engager des poursuites contre un contrevenant afin de faire cesser des travaux fragilisant le talus de soutènement d’une chaussée routière.

Le Conseil d’Etat juge, d’abord, que cette voie avait la nature d’une voie publique communale, ensuite qu’il s’agissait d’une occupation irrégulière et, enfin, que le maire aurait dû saisir le juge judiciaire en vue de la répression des atteintes portées au domaine public.

L’abstention du maire est fautive car elle n’est pas fondée sur des considérations tirées d’autres intérêts généraux. Cette autorité publique ne saurait légalement se soustraire à son obligation de protéger le domaine public pour des raisons de simple convenance administrative.

L’on voit que, par le prisme de sa compétence pour déterminer si un bien relève ou non du domaine public d’une personne publique, le Conseil d’Etat se prononce, au fond, sur la matérialité des faits en considérant qu’il y avait bien eu une contravention de voirie routière que l’autorité communale a l’obligation de faire sanctionner, notamment en saisissant le juge judiciaire, sans qu’il y ait lieu à la saisine du juge judiciaire pour question préjudicielle.

En l’espèce, un recours visait l’annulation de la décision d’un maire ayant refusé d’engager des poursuites contre un contrevenant afin de faire cesser des travaux fragilisant le talus de soutènement d’une chaussée routière.

Le Conseil d’Etat juge, d’abord, que cette voie avait la nature d’une voie publique communale, ensuite qu’il s’agissait d’une occupation irrégulière et, enfin, que le maire aurait dû saisir le juge judiciaire en vue de la répression des atteintes portées au domaine public.

L’abstention du maire est fautive car elle n’est pas fondée sur des considérations tirées d’autres intérêts généraux. Cette autorité publique ne saurait légalement se soustraire à son obligation de protéger le domaine public pour des raisons de simple convenance administrative.

L’on voit que, par le prisme de sa compétence pour déterminer si un bien relève ou non du domaine public d’une personne publique, le Conseil d’Etat se prononce, au fond, sur la matérialité des faits en considérant qu’il y avait bien eu une contravention de voirie routière que l’autorité communale a l’obligation de faire sanctionner, notamment en saisissant le juge judiciaire, sans qu’il y ait lieu à la saisine du juge judiciaire pour question préjudicielle.

Cette solution contentieuse n’est pas nouvelle (CE, 17 janvier 2011, Clavans en Haut-Oisans, req. n°312310 ; CAA Marseille, 23 juillet 1998, Paravisini, n°97MA01853).

Mais elle mérite d’être relevée pour ses considérants portant tant sur l’étendue de la compétence du juge administratif que sur les obligations opposables à toute autorité en charge de la conservation du domaine public.

L’on se souviendra que le juge administratif a perdu, depuis le décret-loi du 28 décembre 1926 (article 1er, repris par l’ordonnance du 27 décembre 1958), la compétence pour les contraventions de grande voirie routière mais demeure compétent pour les autres contraventions de voirie aux autres domaines publics (article L2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques).

Rédigé par

Eve Derouesné ASSOCIÉE

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