Analyse Juridique | Immobilier & Baux
Décret tertiaire : attention à la négociation des baux futurs !
3 février 2025

Le décret tertiaire, publié le 23 juillet 2019, s’inscrit dans le cadre de la loi Energie-Climat, adoptée par le gouvernement pour lutter contre le changement climatique. Il impose une obligation de réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires, et fixe différents objectifs de réduction des consommation d’énergie.

Un bail commercial est un contrat d’une durée de 9 ans minimum, et le premier objectif de fixé par le décret tertiaire doit être atteint en 2030, soit dans moins de 5 ans. La question de la conformité des locaux au décret tertiaire doit plus que jamais être prise en compte lors de la conclusions d’un bail, d’autant plus qu’il n’est pas rare, notamment dans le cadre de baux prévoyant des franchises de loyer, ou dans le cas de travaux d’aménagement importants, de voir que de tels baux prévoient une renonciation à la faculté de résiliation à l’issue de la première période triennale, et donc une durée ferme de 6 ans.

Décret tertiaire : qui est concerné ?

Le décret tertiaire s’applique à tous les bâtiments ou locaux d’activité à usage tertiaire et dont la surface d’exploitation dédiée à l’activité tertiaire est supérieure ou égale à 1 000 m2.

Quelles sont les obligations fixées par ce décret ?

Le décret tertiaire exige une réduction de la consommation d’énergie finale en appliquant une des deux méthodes :

  •  une réduction de la consommation énergétique finale du bâtiment, par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à l’année 2010 ; de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040, et 60% d’ici 2050
  • ou, atteindre un niveau de consommation énergétique fixé en valeur absolue pour chaque type d’activité.

Comment atteindre ces objectifs ?

Pour atteindre ces objectifs, différentes actions peuvent être mises en place par les propriétaires et preneurs à bail :

  • amélioration la performance énergétique des bâtiments, par exemple isolation thermique intérieure ou extérieure, équipement de captage ou de protection d’énergie (solaire, thermique…),
  • sensibilisation du comportement des occupants et usages, via des formations aux éco-gestes, ou des informations au quotidien,
  • optimisation de l’exploitation des systèmes en misant sur « l’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements via des systèmes d’automatisation et de contrôle » (GTB), mais également mise en place de CVC plus performants.

Recueil et suivi des consommations via OPERAT

La plateforme informatique OPERAT a été mise en place par l’État pour suivre les objectifs de réduction des consommations. Gérée par l’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), elle permet de transmettre les informations demandées :

  • descriptif de l’activité tertiaire exercée ;
  • surface des bâtiments concernés ;
  • données annuelles de consommation d’énergie par source énergétique ;
  • modulations éventuelles.

Depuis 2022, les propriétaires et locataires de bâtiments à usage tertiaire doivent communiquer, chaque année avant le 30 septembre, leurs consommations d’énergie au titre de l’année précédente. Théoriquement à la charge des propriétaires et preneurs à bail, la déclaration annuelle des consommations d’énergie peut néanmoins être déléguée à un prestataire privé, ou aux gestionnaires de réseaux.

Quelles sanctions en cas de manquement ?

Si l’objectif de réduction de consommation d’énergie n’est pas respecté, les assujettis seront mis en demeure et intimés de produire sous 6 mois un plan d’action capable de réduire leurs consommations énergétiques. En cas de manquement, ils recevront une deuxième mise en demeure avant publication de leur nom sur ledit site web. Une amende administrative pourra également être demandée, allant de 1 500 € pour les personnes physiques à 7 500 € pour les personnes morales.

En cas d’absence de transmission des données sur la plateforme OPERAT, le propriétaire ou le preneur à bail recevront une mise en demeure. Ils devront transmettre les éléments dans les 3 mois. A défaut, l’État procédera à la publication, sur un site internet des services de l’État, des mises en demeure restées sans effet.

Sur qui pèsent ces obligations ?

C’est là que toutes les discussions et négociations vont se cristalliser !

En l’état actuel de la règlementation, hormis la loi Pinel, qui met les grosses réparations à la charge exclusive du Bailleur, aucune disposition n’indique qui du Preneur ou du Bailleur n’est tenu de prendre à sa charge les obligations issues du décret tertiaire.

Ce sont donc les clauses du bail qui vont déterminer sur qui pèse la charge de ces obligations, et notamment des travaux de mise en conformité qui seraient nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale.

Or, de tels travaux impliquent des coûts très importants.

La négociations des baux futurs va donc nécessairement devoir prendre en compte l’état actuel du bâtiment, l’objectif à atteindre (et le cas échéant l’année de référence), les éventuels travaux nécessaires afin de le mettre en conformité avec la règlementation liée à la performance énergétique, et la répartition des coûts de ces travaux.

Rédigé par

Quitterie Maguin-Kohn ASSOCIÉ

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