Analyse Juridique | Social
Allongement et assouplissement du congé paternité à compter du 1er juillet 2021
11 juin 2021

A compter du 1er juillet 2021, le congé paternité sera deux fois plus long et davantage flexible qu’auparavant. Un congé obligatoire et incompressible de 7 jours suivi d’un congé facultatif et fractionnable de 21 jours. Les nouvelles dispositions  s’appliquent aux enfants nés à compter du 1er juillet 2021 et aux enfants nés avant cette date dont la naissance était supposée intervenir à compter de cette date. Point sur les détails juridiques de cette réforme dont l’un des objectifs est de renforcer la relation père-enfant au moment de la naissance.

Consolider la relation père-enfant dès la naissance

La loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a allongé le congé de paternité et d’accueil de l’enfant et l’a rendu pour partie obligatoire. Les articles 73 à 75 de cette loi entrent en vigueur au 1er juillet 2021. Par l’entrée en vigueur de cette loi, la France se conforme aux règles issues de l’Union européenne obligeant les Etats-membres à mettre en place un congé de paternité de 10 jours minimum avant 2022. La réforme a été précisée par un décret n° 2021-574 du 10 mai 2021 relatif à l’allongement et à l’obligation de prise d’une partie du congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

 

Après la naissance de l’enfant, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un PACS bénéficient, à compter du 1er juillet 2021, d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de 25 jours calendaires (ou de 32 jours calendaires en cas de naissances multiples.) Ce congé de paternité se cumulant avec le congé de naissance de trois jours, la somme des deux congés est égale à 28 jours, soit 4 semaines.

Comme cela était déjà le cas auparavant :

 

  • Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail ;
  • Le salarié perçoit, durant le congé, des indemnités journalières de sécurité sociale. L’employeur n’est contraint de maintenir le salaire que si un accord collectif ou un usage le prévoit ; 
  • En vertu de l’article L.1225-4-1 du Code du travail, le père est toujours protégé contre le licenciement dans les 10 semaines qui suivent la naissance de l’enfant, sauf faute grave de l’intéressé ou impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

 

Le nouveau congé paternité est composé de deux périodes distinctes :

 

  1. Dans un premier temps, une période de 4 jours calendaires consécutifs, obligatoire et incompressible, faisant immédiatement suite au congé de naissance de 3 jours. Autrement dit, dans les 7 jours qui suivent la naissance de l’enfant, le congé est obligatoire. Ceci est le point le plus novateur de la réforme. Le caractère obligatoire de cette première phase aura le mérite de couper court à la réticence de certains employeurs réfractaires à la prise de ce congé par leurs salariés masculins. Il permettra aussi de réduire l’inégalité entre les pères en CDI et ceux en CDD, beaucoup plus timorés à l’idée de prendre leur congé de paternité par crainte de ne pas voir leur contrat renouvelé.

 

Par dérogation au principe susvisé, lorsque l’état de santé de l’enfant nécessite son hospitalisation immédiate après la naissance dans une unité de soins spécialisée, la période de congé de 4 jours consécutifs est prolongée de droit, à la demande du salarié, pendant la période d’hospitalisation (et dans la limite d’une durée maximale de 30 jours).

 

  1. Dans un second temps, une période de 21 jours calendaires (portée à 28 jours calendaires en cas de naissances multiples), facultative et fractionnable. Cette seconde période peut être fractionnée en deux sous-périodes d’une durée minimale de 5 jours chacune. En principe, elle doit être prise dans les 6 mois de la naissance de l’enfant. Par exception, le congé peut être reporté au-delà des 6 mois dans l’un des cas suivants : l’hospitalisation de l’enfant ou le décès de la mère. La réforme a donc apporté davantage de flexibilité au dispositif existant en permettant que cette seconde période du congé de paternité soit prise dans un délai de 6 mois (au lieu de 4 mois comme précédemment).

 

Compte-tenu de la flexibilité afférente à cette seconde période, le salarié peut faire le choix de :

 

  • Prendre la totalité de son congé en une seule fois, c’est-à-dire de s’occuper de son nourrisson durant le premier mois de sa vie ;

 

  • Ou bien de découper en deux périodes son congé, afin, éventuellement, de prendre le relais de la mère lorsque celle-ci sera arrivée au terme de son congé de maternité.

 

Le salarié doit informer son employeur :

 

  • De la date prévisionnelle de l’accouchement au moins un mois avant celle-ci ;

 

  • Des dates de prise et des durées de la ou des périodes de congés susvisées au moins un mois avant le début de chacune des périodes.

 

Une incertitude demeure quant aux conséquences du non-respect du délai de prévenance par le salarié. Même si la sanction logique serait la perte ou le report du droit à congé, la plus grande prudence s’impose pour les employeurs.

 

En effet :

 

  • La Cour de cassation a jugé, concernant le congé parental, que le non-respect par le salarié du délai de prévenance n’autorisait pas l’employeur à refuser le congé (Soc, 25 janv.2012, n°10-16.369), arrêt rendu dans une espèce où une salariée qui n’avait pas prévenu son employeur de son congé parental dans les délais impartis par le Code du travail avait été licenciée pour faute grave. La solution pourrait, par un raisonnement par analogie, être étendu au congé de paternité.

 

  • Le refus de l’employeur d’accorder le congé de paternité peut donner lieu à des dommages et intérêts en faveur du salarié.

 

Cette réforme peut être applaudie car elle va vers un meilleur accueil des nouveaux nés et un renforcement de l’égalité au sein du couple en rééquilibrant le partage des tâches professionnelles et personnelles entre la femme et l’homme.

 

Le doublement de la durée du congé de paternité renforcera le rôle du père au sein du foyer, en ce qu’il entraînera une plus grande participation du père aux soins et à l’éveil de son enfant.

 

Par cette réforme, la France rattrape également un certain retard en la matière par rapport à nombre de ses voisins européens. Elle demeure toutefois loin derrière l’Espagne (12 semaines de congé paternité) ou la Finlande (9 semaines).

 

Rédigé par

Thomas Yturbe Avocat

Patrick Berjaud ASSOCIÉ

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