Face à la seconde vague épidémique ayant entraîné un re confinement national depuis le 30 octobre 2020, et même si ce second confinement est, pour l’heure, plus souple que le précédent, de nombreuses entreprises ont encore besoin de l’activité partielle. Devant la multiplication de textes publiés depuis mars 2020, il est utile de faire un point d’étape sur l’activité partielle début novembre 2020.
Huit mois après le début du premier confinement, l’activité partielle (aussi appelée chômage technique ou chômage partiel), dispositif qui a pour objectif d’éviter les licenciements en cas de difficultés économiques temporaires, a été abondamment utilisée par les entreprises. Le nombre de salariés placés en activité partielle en France a atteint 8,6 millions au mois d’avril 2020. Le 6 avril dernier, nous avions consacré un premier K pratique à l’activité partielle
Changements successifs des taux de prise en charge par l’Etat, création d’un nouveau dispositif dénommé « activité partielle de longue durée », modification de la liste de personnes pouvant bénéficier du dispositif en raison de leur état de santé, édiction de taux de prise en charge différenciés en fonction du secteur d’activité de l’entreprise, modification des conditions de consultation du CSE …
Un risque important de s’égarer dans ces mille-feuilles de textes et de modifications.
L’objet de ce K pratique est de faire un point exhaustif au 1er novembre 2020.
Alors que le nombre de salariés placés en activité partielle était en baisse sur les derniers mois (1,1 millions sur le mois de septembre 2020) (1), il est possible que le second confinement entraîne une remontée de la courbe.
C’est pourquoi l’exécutif a adopté de nouveaux textes pour s’adapter à cette nouvelle « mise sous cloche » du pays :
• Un décret n°2020-1316 du 30 octobre 2020 relatif à l’activité partielle et au dispositif d’activité partielle spécifique en cas de réduction d’activité durable ;
• Un décret n° 2020-1318 du 30 octobre 2020 relatif au taux horaire de l’allocation d’activité partielle et de l’allocation d’activité partielle spécifique applicables à Mayotte ;
• Un décret n° 2020-1319 du 30 octobre 2020 relatif à l’activité partielle.
Publiés au Journal officiel le 31 octobre 2020, ces textes s’appliquent depuis le 1er novembre 2020.
Ces trois décrets s’inscrivent dans la même lignée que l’ordonnance n° 2020-1255 du 14 octobre 2020 relative à l’adaptation de l’allocation et de l’indemnité d’activité partielle, adoptée le jour de l’annonce du couvre-feu par le président Emmanuel Macron.
Après une diminution progressive des dispositifs d’aides, amorcée depuis le déconfinement de mai dernier, la dynamique s’inverse à l’automne 2020 en raison de la reprise de l’épidémie : tous ces textes publiés dans la seconde quinzaine d’octobre 2020 consacrent le retour ou la prolongation des mesures de soutien aux entreprises.
1. La poursuite de l’accompagnement des employeurs par l’Etat : le maintien de la prise en charge de l’activité partielle à 85% jusqu’au 31 décembre 2020
Jusqu’au 31 décembre 2020, le taux de prise en charge par l’Etat de l’activité partielle demeure identique à celui en vigueur depuis le 1er juin 2020.
Le taux horaire de l’allocation d’activité partielle s’élève à 60% dans les secteurs non protégés et 70% dans les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, ce qui signifie :
• Une prise en charge à 85% par l’Etat dans les secteurs non protégés ;
• Une prise en charge à 100% par l’Etat dans les secteurs sinistrés (2) .
La prise en charge à 100% bénéficie :
• Sans aucune condition de chiffre d’affaires, aux entreprises exerçant leur activité dans les secteurs les plus touchés par la crise : tourisme, hôtellerie, restauration, sport, culture, événementiel, transport aérien ;
• Aux entreprises exerçant leur activité principale dans les secteurs dont l’activité dépend des secteurs listés ci-dessus et subissant une baisse du chiffre d’affaires d’au moins 80%. Cette diminution est appréciée soit par rapport au chiffre d’affaires constaté au cours de la même période de l’année précédente soit, si l’employeur le souhaite, par rapport au chiffre d’affaire mensuel moyen de l’année 2019 ramené sur 2 mois ;
• Aux entreprises relevant de secteurs autres que ceux mentionnés dans les deux cas ci-dessus et dont l’activité principale, impliquant l’accueil du public, est interrompue totalement ou partiellement du fait de la propagation de l’épidémie de Covid-19. A noter que la fermeture partielle est désormais visée (alors qu’avant l’ordonnance du 14 octobre 2020, seule la fermeture totale ouvrait droit au taux de prise en charge préférentiel).
Quel que soit le secteur d’activité, l’allocation horaire est toujours limitée à 4,5 SMIC, c’est-à-dire que dans l’hypothèse de salaires élevés (supérieurs à environ 6.900 € bruts mensuels sur la base de 35 heures hebdomadaires), le différentiel entre le plafond et l’indemnité horaire est à la charge de l’employeur.
2. Pour les salariés, rien ne change jusqu’à la fin de l’année 2020 : l’indemnité d’activité partielle s’élève toujours à 70%
Jusqu’au 31 décembre 2020, l’indemnité horaire versée au salarié pour les heures chômées au titre de l’activité partielle est toujours égale à 70% du salaire horaire brut (3) .
Il n’existe donc, pour l’heure, aucune distinction entre les salariés exerçant dans les secteurs sinistrés et ceux exerçant dans les autres secteurs.
Toutefois, compte-tenu de la ventilation entre les heures travaillées et les heures chômées dans l’hypothèse où l’entreprise procède à une simple réduction d’horaire (et non à une fermeture d’établissement), les salariés sont toujours gagnants à travailler le plus grand nombre d’heures possibles. En effet, dans la situation de réduction d’horaire, la rémunération des salariés est décomposée en deux parties, toutes deux versées par l’employeur : un salaire pour la partie travaillée (versé à 100% et non couvert par l’allocation étatique) et une indemnité d’activité partielle pour la partie chômée (70% de la rémunération brute et prise en charge partiellement ou totalement par l’Etat) (4) .
Le décret n°2020-1316 du 30 octobre 2020 apporte également des précisions sur la situation où des congés sont dus sous la forme d’une indemnité compensatrice de congés payés. Dans cette situation, l’indemnité de congés payés est versée en sus de l’indemnité d’activité partielle. A ce sujet, il est rappelé que la mise en activité partielle n’impacte pas les droits à congés du salarié. La totalité des heures chômées est prise en compte pour le calcul de l’acquisition des droits à congés payés.
3. L’information du CSE obligatoire à chaque renouvellement de l’activité partielle
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, l’employeur qui recourt à l’activité partielle doit recueillir l’avis du CSE, soit préalablement à la demande, soit postérieurement à la mise en place du dispositif en cas de circonstances à caractère exceptionnel.
Le décret n°2020-1316 du 30 octobre 2020 a précisé que le CSE doit être informé, à l’échéance de chaque autorisation, des conditions dans lesquelles l’activité partielle a été mise en œuvre. Il s’agit donc d’une simple information mais non d’une consultation.
4. Activité partielle de longue durée : l’alignement des taux sur l’activité partielle classique
Inscrite dans le plan de relance, l’activité partielle de longue durée (APLD), aussi dénommée activité réduite pour le maintien dans l’emploi, est un dispositif créé par la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 et précisé par le décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020. Objectif : éviter les licenciements économiques.
Cofinancé par l’État et l’UNEDIC, l’APLD est destinée à sécuriser les salariés et l’activité des entreprises. Le dispositif permet aux entreprises confrontées à une réduction d’activité durable de diminuer l’horaire de travail en contrepartie d’engagements notamment en matière de maintien de l’emploi.
A la différence de l’activité partielle de droit commun qui a vocation à sauver une entreprise et l’emploi sur une période de temps limitée, l’APLD a davantage pour objet d’accompagner sur une plus longue durée une entreprise confrontée à une baisse d’activité durable. A la phase d’urgence absolue de la crise sanitaire succèdera une période plus étendue de lutte contre une longue crise économique.
Tout employeur qui en remplit les conditions (réduction d’activité durable et pérennité de l’activité de l’entreprise non compromise) peut bénéficier de ce dispositif sous réserve de la conclusion d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou de l’existence d’un accord collectif de branche étendu.
L’accord doit définir :
1° La date de début et la durée d’application du dispositif spécifique d’activité partielle ;
2° Les activités et salariés auxquels s’applique ce dispositif ;
3° La réduction maximale de l’horaire de travail en deçà de la durée légale ;
4° Les engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle ;
5° Les modalités d’information des organisations syndicales de salariés signataires et des institutions représentatives du personnel sur la mise en œuvre de l’accord. Cette information a lieu au moins tous les trois mois.
Une fois signé, l’accord doit être transmis à l’administration pour validation. Le silence gardé par l’administration dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande vaut décision d’acceptation.
A ce jour, trois accords de branches ont été conclus dans les secteurs suivants : métallurgie, bureau d’étude techniques (Syntec) et distributeurs conseil hors domicile (5) . Pour les entreprises relevant de ces secteurs, il suffit à l’employeur de rédiger, après consultation du CSE, un document unilatéral conforme aux dispositions de l’accord de branche (ce document étant ensuite transmis à l’administration pour simple homologation).
Le décret n°2020-1316 aligne le montant de l’allocation d’APLD sur celui de l’activité partielle classique. Afin d’éviter que les entreprises recourant à l’APLD dans les secteurs les plus sinistrés ne soient perdantes par rapport à celles recourant à l’activité partielle classique dans les mêmes secteurs, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle spécifique est égal au taux horaire de l’allocation de l’activité partielle qui serait applicable à l’employeur lorsque ce taux lui est supérieur.
Autrement dit, le taux le plus élevé l’emporte toujours. Le taux actuel est donc de 60% dans les secteurs non sinistrés et de 70% dans les secteurs les plus touchés.
Ainsi, l’exécutif encourage les entreprises à recourir à l’APLD plutôt qu’à l’activité partielle classique. En effet, des différences majeures existent entre les deux systèmes :
• L’APLD s’accompagne d’engagements de maintien dans l’emploi (et l’employeur peut être contraint de rembourser les sommes s’il procède à des licenciements durant la mise en œuvre de l’accord), ce qui n’est pas le cas de l’activité partielle classique ;
• La mise en place de l’APLD s’accompagne d’un dialogue social puisque la négociation d’un accord collectif est nécessaire, alors que la mise en activité partielle classique entraîne simplement l’obligation de consulter le CSE dans les entreprises de plus de 50 salariés et d’informer les salariés dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés ;
• La réduction de l’horaire de travail avec l’APLD ne peut être supérieure à 40%, c’est-à-dire 3/5 travaillés et 2/5 chômés. Autrement dit, elle s’accompagne nécessairement d’un niveau minimal d’activité de 60% (alors que l’activité partielle peut consister en une fermeture totale d’établissement) ;
• La durée de l’APLD est supérieure : 6 mois renouvelables dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois. L’activité partielle classique, actuellement limitée à 12 mois, aurait vocation à être limitée à 3 mois selon projet de décret à paraitre en novembre 2020.
L’activité partielle de longue durée pourrait permettre de préserver l’emploi dans un certain nombre d’entreprises qui continueront à subir sur plusieurs mois voire plusieurs années les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19. Seule l’expérimentation permettra de savoir si cet instrument sera à la hauteur des objectifs.
(1) Les chiffres d’octobre 2020 ne sont pas encore connus par la DARES
(2) Ce calcul est établi à partir du taux de l’indemnité horaire versée au salarié sur les heures chômées (égal à 70% de la rémunération horaire brute). Si l’allocation est égale à 60 %, le taux de prise en charge par l’Etat est égal : 60/70 *100 = 85,71 %
(3) Par générosité, il est loisible à l’employeur, pour éviter que ses salariés ne perdent en pouvoir d’achat, de verser une indemnité égale à 100% du salaire mais l’entreprise supportera alors le différentiel
(4) Si l’horaire est réduit de 20%, le salarié perçoit au total 94% de sa rémunération brute habituelle (soit environ 96% de sa rémunération nette)
Si l’horaire est réduit de 50%, le salarié perçoit au total 85% de sa rémunération brute habituelle (soit environ 92% de sa rémunération nette)
Si l’horaire est réduit de 100%, le salarié ne perçoit que 70% de sa rémunération habituelle (soit environ 84% de sa rémunération nette)
(5) Ces accords de branche sont téléchargeables sur le site du Ministère du Travail
Rédigé par
Patrick Berjaud ASSOCIÉ
patrick.berjaud@kleinwenner.eu
+33 (0)1 44 95 20 00
Thomas Yturbe Avocat
thomas.yturbe@kleinwenner.eu
+33 (0)1 44 95 20 00