Emerveillée depuis son enfance par la beauté de la nature et sensible à la fragilité des équilibres naturels ainsi qu’à la menace que constitue pour eux l’activité humaine lorsqu’elle est immodérée, Vanessa Kurukgy s’est très tôt tournée vers le droit de l’environnement. Elle a ensuite étudié le droit de l’énergie, à l’époque de l’émergence de l’ouverture de ce marché à la concurrence et des énergies dites renouvelables. Ayant récemment rejoint un organisme en charge de la protection de la biodiversité, après de longues années passées dans le conseil, comme avocate, Vanessa revient en détail sur son parcours engagé et livre à la lettre du DPO sa vision sur l’avenir de cette réglementation ainsi que son incidence sur le numérique.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au droit de l’environnement ?
« Après des études de droit débutées à l’Université de Nanterre (bi-diplôme en droit français et américain), prolongées par une année de LLM à Londres où j’ai reçu mes premiers enseignements en droit de l’environnement, j’ai ensuite intégré l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences-Po), dans le Master « Affaires Publiques » et la filière Energie, avec l’intuition que les deux sujets étaient intimement liés. Un premier stage, dans le département de Droit Public du cabinet CMS Francis Lefebvre, plus particulièrement avec des avocats pratiquant le droit de l’environnement et de l’urbanisme, m’a confortée dans cette orientation, que j’ai poursuivie comme avocate au sein du cabinet Fieldfisher où j’ai exercé pendant 7 ans.
Ensuite, souhaitant m’impliquer davantage dans la protection de la biodiversité, j’ai rejoint, comme juriste, en 2020, la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels (FCEN). »
Quelles sont vos responsabilités et les missions que vous menez, plus particulièrement actuellement ?
« La FCEN est un réseau d’associations de spécialistes de la biodiversité, notamment des naturalistes, implantées dans chaque région (sauf la Bretagne). La FCEN accompagne les Conservatoires au quotidien, notamment sur les aspects juridiques. J’y travaille comme juriste, en particulier sur les outils du foncier applicables dans et aux espaces naturels, afin d’identifier les outils de la meilleure protection possible et d’accompagner leur mise en oeuvre. Cela nécessite d’intégrer tous les enjeux du contexte local, tels que les différentes parties prenantes (agriculteurs, Office National des Forêts (ONF), collectivités etc.) et les spécificités du foncier (activité économique sur le site, classement réglementaire particulier, caractéristiques naturelles etc). Je m’occupe plus particulièrement de contrats de protection volontaire de la biodiversité (dénommés « Obligation Réelle Environnementale » ou « ORE »), avec le soutien financier de l’Office Français de la Biodiversité (« OFB »). Ce dispositif intéresse une multitude d’acteurs (particuliers, entreprises, organismes publics) et m’amène à travailler tant sur les aspects de protection « patrimoniale » de la biodiversité (volonté de transmission d’un « héritage vert » aux générations suivantes) que sur la compensation écologique, dont la réalisation est liée à une destruction de l’environnement pour un projet économique et/ou d’aménagement et requiert une assise foncière. »
Quelle est votre vision sur l’avenir du Droit de l’Environnement et son incidence sur les domaines, tel que le numérique ?
« Le droit de l’environnement n’est pas récent puisque les premiers textes significatifs datent du début du XXe siècle ; il s’est particulièrement étoffé depuis les années 1970 et s’est ensuite constamment étendu, à un rythme sans cesse plus rapide, à l’image de l’urgence qu’il y a à supprimer, maitriser ou atténuer l’impact des activités humaines sur l’environnement. A l’avenir, la réglementation ainsi que la jurisprudence vont se multiplier de manière très transversale, et le numérique n’est pas en reste. La protection de la biodiversité va s’imposer, à côté de celle du climat, comme l’un des grands enjeux à venir. A ce sujet, l’industrie numérique va devoir s’adapter car, en l’état, les data centers – par exemple – consomment d’immenses ressources et entraînent la destruction d’espaces naturels. La sobriété numérique, que promeut la récente loi « REEN » (promulguée le 15/12/2021), est la conséquence de la sobriété énergétique dont la nécessité s’impose comme une évidence. Verdir l’offre technologique doit aller de pair avec une modération de la consommation. Le numérique, comme les autres activités humaines, ne peut pas s’abstraire de cette nécessité et doit cesser de prôner une culture de l’illimité à tout crin. »