Analyse Juridique | Public des Affaires
Le référé précontractuel ne se juge pas toujours dans un délai de 20 jours
26 juillet 2011

D’aucuns se demandent si la réforme de la procédure de référé précontractuel mise en œuvre par l’ordonnance
n°2009-515 du 7 mai 2009
 et son décret d’application n°2009-1456 du 27 novembre 2009 n’aurait pas changé la nature de ce fameux délai de 20 jours. Mais, au fait, de quel délai parle-t-on ? La clef est dans la réponse à cette question.

Auparavant, le délai de 20 jours constituait à la fois le délai maximal d’interdiction de signer que pouvait imposer le magistrat au pouvoir adjudicateur L.551-1 CJA et le délai maximal accordé au juge pour statuer sur la requête R. 551-1 CJA. Or, seule la méconnaissance de ce premier délai était assortie d’effets. Ainsi, si les 20 jours imposés par l’ordonnance de suspension s’écoulaient sans qu’une décision ne soit rendue, le pouvoir adjudicateur retrouvait sa capacité de signer régulièrement le contrat CE, 3 févr. 2010, Cnauté cns Arc Mosellan, n°330237.

A l’inverse, le second délai de 20 jours afférent à la durée maximale accordée au juge pour statuer sur la requête était déjà indicatif. CE, 3 nov. 1995, District de l’agglomération nancéienne, n°152484. La seule expiration de ce délai de 20 jours ne suffisait pas, à elle seule, à emporter dessaisissement du juge.

C’est en réalité la signature du contrat, rendue possible par l’expiration du délai de 20 jours sans qu’aucune ordonnance n’ait été rendue, qui emportait dessaisissement du juge et, cela, sans qu’il n’y ait de quelconque manquement fautif imputable au pouvoir adjudicateur.

La pression était donc importante pour le magistrat. De sa célérité dépendait l’efficacité de l’interdiction de signer. C’est la raison pour laquelle ce délai était respecté par les magistrats.

En sera-t-il encore ainsi ?

Aujourd’hui, l’efficacité de la procédure précontractuelle est garantie par la loi et ne dépend plus de la rapidité du magistrat. L’interdiction de signer est automatique sous réserve de la notification par le requérant au pouvoir adjudicateur de l’existence du référé précontractuel et n’est anéantie que par la notification de l’ordonnance de référé.

Seule cette notification est de nature à lever l’interdiction. Même après l’expiration du délai de 20 jours, le pouvoir adjudicateur ne retrouve pas sa capacité de signer.

Rappelons d’ailleurs que des sanctions financières dissuasives (au titre cette fois du référé contractuel) guettent à présent le pouvoir adjudicateur qui tenterait le diable et signerait le contrat article L.551-20 CJA et ordonnance du TA Rennes, 13 septembre 2010.

Mais ne nous y trompons pas. La tardiveté du magistrat n’est pas sans effet pour tout le monde.

La réforme du référé précontractuel a seulement transféré la charge qui pesait sur le requérant en cas de non respect par le magistrat de ce délai de 20 jours, sur les personnes publiques et sur les attributaires qui ne peuvent plus qu’attendre et espérer.

Cependant, time is money… et pas seulement.

Cette donnée doit être intégrée par les pouvoirs adjudicateurs dans la fixation du calendrier de la procédure de passation.

Plus précisément, les pouvoirs adjudicateurs doivent monter leur procédure en prévoyant une période de neutralisation pour cause de référé qui soit supérieure à 20 jours afin, en particulier, qu’une neutralisation de leur capacité de signer pour une durée supérieure à 20 jours ne se télescope pas avec l’expiration du délai de validité des offres des candidats ou encore ne vienne priver la personne publique d’un fondement juridique pour son approvisionnement en biens et services (cf. échéance proche du contrat précédent).

Ceci est d’autant plus important que le dépassement de ce délai de 20 jours par les magistrats devient hélas plus fréquent sous l’empire de ce nouveau régime. Le dernier référé précontractuel suivi par notre cabinet vient de nous en fournir l’illustration.

Rédigé par

Eve Derouesné ASSOCIÉE

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