Analyse Juridique | Immatériel & Numérique
Plateformes en ligne : renforcement de l’obligation de loyauté
10 février 2017

Les plateformes en ligne sont devenues des acteurs incontournables de l’économie numérique. Toutefois, leur cadre juridique est toujours en cours d’élaboration. Un projet de décret d’application relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques précise et renforce le principe de loyauté des plateformes en ligne présenté par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016.

1. Une définition des opérateurs de plateforme en mouvement

Le cadre législatif des opérateurs des plateformes en ligne ne cesse d’évoluer, rendant parfois sa compréhension difficile et ambigüe. Les premières fondations législatives ont été posées par la Loi dite « Macron » du 6 août 2015, qui a donné une première définition de ces opérateurs de plateformes et a imposé à ces derniers une obligation de loyauté. (Article L 111-5-1 du code de la consommation – abrogé par la loi pour une République numérique)
La loi pour une République numérique adoptée le 6 octobre dernier a abrogé les dispositions de cette loi et propose une nouvelle définition codifiée à l’article L. 111-7-I du code de la consommation :

« Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :

1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;

2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ».

Le nouvel article élargit l’ancienne définition pour prendre en considération la diversité de ces plateformes numériques, comme les « Marketplace », les sites comparateurs et les plateformes collaboratives.

2. Précision et renforcement de l’obligation de loyauté

Le principe de « loyauté » des plateformes en ligne a également fait l’objet d’un élargissement avec la Loi du 7 octobre 2016. Les opérateurs des plateformes en ligne sont ainsi tenus de délivrer au consommateur « une information claire, loyale et transparente sur :

– Les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ;

– L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ;

– La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels » . (Article 49 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique). »

En réalité, cette obligation de loyauté est loin d’être parachevée. Il ressort d’un projet de décret relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er septembre 2017, que les opérateurs des plateformes seront contraints à davantage de transparence.

Ce projet de décret pris pour l’application de l’article 49 de la Loi pour une République numérique accentue notablement les obligations des opérateurs des plateformes en ligne en visant le maximum de transparence à l’égard des consommateurs. Ainsi, les différentes informations prévues par la loi pour une République numérique devront être intégrées dans une rubrique spécifique facilement accessible. Les plateformes devront également préciser, dans le cadre de la mise en relation entre professionnels et consommateurs, une série d’informations très précises dont notamment :

– les garanties auxquelles le consommateur peut prétendre ;
– l’étendue de son droit de rétractation ;
– le prix total des biens et services proposés ;
– les modalités de règlement des litiges.

3. Critique des professionnels du secteur

Le projet de décret a déjà été critiqué par les professionnels du secteur (FEVAD, Syntec Numérique et TECH IN France) , qui considèrent que ces nouvelles dispositions outrepassent la volonté du législateur. Selon ces différentes organisations professionnelles, le décret va trop loin en imposant notamment de faire apparaitre de nouvelles informations qui n’étaient pourtant pas listées dans le texte de loi initial, et, plus grave, qui seraient protégés par le secret des affaires ou un droit de propriété intellectuelle.

En outre, le projet de décret met à la charge des opérateurs de plateformes des contraintes techniques imposantes qui sont susceptibles de nuire à la clarté de l’information pour les consommateurs.

Il est peu probable que le décret d’application voit le jour dans les prochains mois compte tenu du calendrier des élections présidentielles, qui rend difficile la publication des différents décrets relatifs à la Loi pour une République numérique par le gouvernement dans les délais impartis. Une nouvelle phase de négociations devrait être initiée, pour arriver (enfin) à poser des bases solides et claires à la législation applicable aux plateformes en ligne.

Rédigé par

Laurent Badiane ASSOCIÉ

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