Analyse Juridique | Social
Reproches lors de l’entretien préalable : attention à la rédaction du compte-rendu
21 mars 2022

La Cour de Cassation, dans un arrêt, non publié, le 2 février dernier (Cass. Soc., 2 février 2022, n°10-13.833), a jugé que des reproches formulés lors d’un entretien préalable, lequel a donné lieu à un compte rendu reprenant ces reproches, constituaient une sanction disciplinaire, aux motifs que :

 « dans son compte rendu d’entretien, l’employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes règlementaire, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total (…)  »

La Cour de cassation a ainsi confirmé la décision de la Cour d’Appel de BESANCON, qui avait décidé les faits reprochés aux salariés ayant déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire, constituée par le compte rendu d’entretien annuel, ces mêmes faits ne pouvaient justifier le licenciement ultérieur du salarié

Si une telle décision n’avait encore, à notre connaissance, pas été rendue s’agissant d’un compte rendu d’entretien, la jurisprudence actuelle considère que constituent notamment une sanction disciplinaire une lettre ou un email adressé au salarié et dans lequel l’employeur :

  • adresse divers reproches à un salarié et l’invite de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure ( Soc., 26 mai 2010, n°08-42.893) ;
  • reproche au salarié des manquements aux règles et procédures internes à la société, et l’invite de manière impérative à se conformer à ces règles ( Soc., 9 avril 2014, n°13-10.939) ;
  • avertit le salarié qu’il ne pourra plus tolérer une telle attitude portant préjudice aux missions qui lui sont confiées et à l’organisation du service ( Soc., 18 mars 2015, n°13-28.481) ;
  • indique au salarié que son attitude a gravement entamé la confiance qu’il lui portait ( Soc., 3 février 2017, n°15-11.433) ;
  • met en demeure le salarié d’apporter plus de soin à son travail ( Soc., 13 octobre 1993, n°92-40.955).

Par ailleurs, la Cour de Cassation avait déjà jugé que ne constitue pas une sanction disciplinaire un compte rendu d’entretien rédigé par l’employeur, faisant état de divers griefs et insuffisances imputés au salariés, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner (Cass. Soc., 12 novembre 2015, n°14-17.615). De même, il avait été jugé qu’un compte rendu d’entretien professionnel établi par le supérieur hiérarchique, et listant divers manquements fautifs, ne constituait pas une sanction disciplinaire, dès lors que l’auteur du compte rendu « avait expressément indiqué qu’il se limitait à demander une sanction, la décision relevant exclusivement de la direction et du responsable des ressources humaines » (Cass. Soc., 27 mai 2021, n°19-153.507).

En l’état actuel de la jurisprudence, il apparait donc qu’il s’agit bien de l’injonction faite au salarié de modifier son comportement qui concrétise la sanction disciplinaire, de simples reproches ne suffisant pas à la caractériser.

En conclusion, il convient donc d’apporter un soin particulier aux écrits adressés aux salariés, en ce compris les comptes rendus d’entretien, leur reprochant un comportement fautif. Par ailleurs, en cas de reproches faits par écrits et d’une injonction à un changement / une amélioration de la part du salarié dans son comportement ou dans l’exécution de son travail, que ce soit par un email, une lettre, ou dans le cadre d’un entretien, en ce compris l’entretien annuel d’évaluation, il conviendra d’effectuer un suivi du salarié. Si, suite à ces reproches et injonctions au changement, le salarié persiste dans le comportement qui lui est reproché, ces nouveaux faits fautifs pourront alors être sanctionnés, étant rappelé que de nouveaux griefs autorisent l’employeur à retenir des fautes antérieures, même déjà sanctionnées, pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié (Cass. Soc., 30 novembre 2007, n°06-44.934).

Rédigé par

Quitterie Maguin-Kohn Associé

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